ANALYSE : TF1 ET M6, COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT…
par Térence de Rieu dans MEDIA INSIDE sur CROONER RADIO en Dab+
Déjà six mois, mais vous l'avez sûrement oublié, que Salto, la plateforme digitale commune à TF1 à M6 s'est arrêtée, signal, dans la guerre du streaming, d'une retraite en bon ordre des deux groupes français de télévision gratuite. Depuis nos deux champions nationaux de l'audiovisuel n'ont guère repris des couleurs et font tout pour donner le change et masquer leur nécrose industrielle.
Sur le terrain des audiences, tous les signaux sont au rouge. Jamais M6 n'a autant décroché en audience, quasiment -0,5 point tant sur un an que depuis le début de l'année. Une chute qui touche désormais toutes les cibles et donc aussi celles qui ont le potentiel de monétisation publicitaire le plus élevé (FRDA -50 ans et 25-49 ans). Quant à TF1, jamais l'écart d'audience avec France 2 n'a été aussi faible. TF1 même a failli être battue au mois de juillet par France 2 dont l'audience de référence a progressé d’un point sur un an. Et pour le marché, cela ne fait aucun doute, France 2 sera devant TF1 à l'Été prochain (et ce ne sera pas que la conséquence de la diffusion des Jeux Olympiques par la chaîne de service public)
Avec ces baisses d'audience de leur navire amiral respectif et une érosion du chiffre d'affaires publicitaire qui en découle supérieure à -5% depuis le début de l'année, la rentabilité est sévèrement attaquée. Et pour la maintenir, la créativité financière ne manque pas (1) tant du côté M6 qui va pouvoir compter, pour maintenir son résultat, sur les plus-values générées par la cession récente de ses activités de sites internet thématiques à Prisma (2) que du côté TF1 qui, pour éviter au moins facialement un trou dans ses comptes, a racheté vite fait bien fait à sa filiale Newen les droits de "Plus Belle la Vie", jusque-là payés au prix fort par son diffuseur historique France Télévisions mais qui a décidé d'en arrêter les frais.
Sur le front du digital et de la fameuse "transformation numérique" (ce concept galvaudé que tous les décideurs de la sphère média ont en permanence à la bouche), chez TF1 et M6, on oscille entre "fébrilité" et "méthode Coué". Fébrilité de la stratégie digitale côté M6, qui en recherche désespérée d'audience internet native, ne trouve pas mieux au milieu de l'Été et en scred" comme on dit (i.e. discrètement), que de rebaptiser tout simplement en "M6" " la page YouTube des 3,5 millions d'abonnés à Golden Moustache. Tollé général de la sociosphère qui se termine quelques heures plus tard par un communiqué "machine arrière" et tout en plates excuses de la chaîne...
Et "Méthode Coué" à fond les ballons avec TF1 qui croit sortir les muscles en annonçant l'arrivée en force de MY TF1 sur les plateformes de télévision connectée Apple TV....Ce qui, selon le communiqué de presse du Groupe TF1 met désormais au global MYTF1 "dans 95% des foyers équipés d’une smart TV ou d’un appareil connecté". Que nenni en fait puisque pour recevoir les chaînes du groupe TF1 et leur replay il faut s'abonner au service payant de MYTF1, MY TF1 MAX (pour 4,99€ par mois). Une stratégie digitale de TF1 qui fait mine d'avancer mais qui reste au point mort, paralysée par les exclusivités concédées aux opérateurs de télévision payante et telcos français, seul habilités à distribuer les directs des chaînes TF1 et leur replay (...mais de cela nous reparlerons dans un prochain Média Inside).
Bref, on le voit, pour TF1 et M6, la "transformation numérique" ne semble avoir de réalité que le nom. Une transformation qui s'inscrit plutôt de l'érosion lente et irréfragable de la rente de l'audience et de la confortable rentabilité d'un modèle économique définitivement malthusien…